À l’occasion du Forum pour les Pouvoirs du Son dans l’Industrie 2022, Ircam Amplify se tourne vers le monde médical. De l’absence totale d’audition à l’utilisation de l’ouïe pour soulager les douleurs physiques, quelle place occupe le son dans le monde de la santé ?

Partager l’expérience de la surdité

Avant même de penser à soigner les patients atteints de surdité, il faut en comprendre les effets. Quel meilleur exemple que celui d’un film réalisé sur cette thématique ? L’histoire racontée est celle d’un musicien de Métal soudainement atteint de surdité et qui devra s’habituer à un implant cochléaire. Nicolas Becker, bruiteur, sound designer et compositeur oscarisé, a été sollicité pour travailler sur la bande son atypique du film Sound of Metal, réalisé par Darius Marder.

Lors du forum, Nicolas Becker expose les démarches pour appréhender la conception même du film, et notamment une expérience avec le réalisateur dans la chambre anéchoïque de l’Ircam. Une chambre dite “sourde” dans laquelle il serait possible après quelques minutes de silence complet d’entendre battre son cœur. Cette expérience a d’ailleurs changé la dimension sonore donnée au film.

C’est ce qui fait l’originalité des méthodes de travail de Nicolas Becker (qui a également collaboré sur Gravity ou encore Premier Contact) : un complexe travail de la texture sonore pour mieux transmettre les émotions. Pour Sound of Metal, Nicolas Becker a travaillé avec les technologies de l’Ircam pour produire un langage particulier, une sorte de boîte à outils sonores, que le réalisateur a pu utiliser dans la création du film.

Faire l’expérience d’un monde sans sons est possible : l’audition est une expérience sensorielle, nous ressentons également les sons physiquement (des vibrations, le son de sa voix qui résonne dans son corps, etc.). Alors peut-on “recréer” l’audition et entendre à nouveau de manière identique après avoir été atteint de surdité ?

Retrouver l’audition sous une nouvelle forme

Aujourd’hui il est impossible de reproduire l’expérience de l’audition exactement comme elle a pu l’être avant qu’une personne ne soit atteinte de surdité. Cependant, il est possible d’améliorer la santé auditive d’un patient avec un implant cochléaire. Dan Gnansia, Senior Manager, Research and Technology chez Oticon Medical, présente le dispositif : une prothèse neuronale, avec une partie implantée stimulant le nerf auditif et une partie externe contenant l’énergie nécessaire et capable de traiter le signal. Ces implants ne sont pas si nouveaux : le tout premier a été implanté à Paris en 1976 et plusieurs versions ont depuis été développées chez différents patients.

Implant cochélaire

Dan Gnansia soulève un point important : celui de l’émotion. L’implant cochléaire stimule uniquement le nerf auditif et pas les sensations physiques. Il apporte un son nouveau : il faut s’y habituer et se l’approprier. C’est aussi le défi imposé au personnage principal de Sound of Metal : contrairement à l’expérience de la surdité, il est impossible de retrouver parfaitement le son via un implant cochléaire. Pour ce faire, les équipes ont travaillé avec des patients ayant un seul implant (donc capable d’entendre un son “normal” d’une oreille et un son restitué de l’autre) et des audiologistes pour retranscrire de nouvelles sonorités qui ne ressemblent à rien de connu.

Rendre l’audition n’est donc pas encore tout à fait possible mais la médecine fait d’énormes progrès sur la santé auditive. À tel point qu’il est maintenant possible de considérer le son comme un moyen de traitement médical.

Guérir avec les sons

Utiliser l’ouïe pour calmer les douleurs, c’est l’objet du travail réalisé par les équipes de Lucine Therapeutics. Maryne Cotty-Eslous, CEO de Lucine, est venue présenter les DTx au Forum pour les Pouvoirs du Son dans l’Industrie. Il s’agit de médicaments numériques : l’alliance entre science et utilisation de stimulations via des fréquences sonores, des images, des thérapies cognitives ou comportementales pour réduire la douleur en agissant sur le cerveau.

Aujourd’hui, les équipes de Lucine travaillent à un traitement pour la gestion des douleurs liées à l’endométriose (concerne 10% des femmes dans le monde selon l’Inserm) et aux douleurs chroniques (concerne 30% de la population mondiale selon l’Inserm). Le développement de médicaments numériques suit un long processus de recherche, de tests et d’obtention d’autorisation de mise sur le marché, tout comme un médicament traditionnel.

Depuis le travail d’une meilleure santé auditive à l’utilisation de l’ouïe dans le traitement de douleur, les sons ont de toute évidence leur place dans le monde de la santé.

Santé : et si on finissait par s’entendre ?

Dans le cadre de la Semaine du Son, professionnels du son et de la santé ont partagés leurs expériences. Accédez au replay du Forum pour les Pouvoirs du Son dans l’Industrie pour en savoir plus.